Ma grand-mère paternelle est décédée au début de l’année 2019. Perdre un être cher n’est jamais facile. Quelques semaines plus tard, en pensant à différents souvenirs qui ne cessent de faire surface,  j’ai ressenti le besoin impérieux d’écrire ces lignes. Cette démarche avait pour objectif premier de lui rendre hommage, mais également de partager une réflexion profonde liée à une expérience vécue. Celle-ci souligne que toute bonne action n’exige pas nécessairement une récompense immédiate.

L’un de mes derniers échanges avec ma grand-mère, juste avant que l’on ne lui diagnostique la maladie d’Alzheimer, me hante. Elle m’avait confié que de nombreuses personnes priaient pour que tout ce que j’entreprendrais réussisse, que Dieu guide mes pas et me protège. Cette déclaration faisait référence à une bonne action que j’avais accomplie avec Krame et Romane il y a près de 26 ans.

Krame et Romane ont vu le jour dans l’un des quartiers les plus populaires de Casablanca, Derb Ghallef. Dès leur naissance, ils ont été séparés et installés dans deux foyers distincts. Quelques mois plus tard, une famille d’accueil les a pris en charge avec beaucoup d’amour. Elle leur a offert le meilleur environnement possible, mais l’espace était devenu trop étroit pour leur croissance. Soucieuse de leur offrir une meilleure qualité de vie, la famille d’accueil a décidé de leur trouver un nouveau refuge.

Un samedi matin, ils ont pris place à l’arrière d’une vieille Renault 12 pour se rendre dans un village situé en zone rurale, à 20 km de Casablanca. Aujourd’hui, ce village est devenu une petite ville à part entière.

‘’Pas très clair tout ça. Assez d’intrigue ! On recommence…

Krame, issu de la graine d’un figuier, et Romane, né de la graine d’un grenadier, ont vu le jour dans l’un des quartiers les plus populaires de Casablanca : Derb Ghallef. Dès leur naissance, ils ont été séparés et placés dans deux pots différents. Quelques mois plus tard, ma maman les a adoptés et leur a offert le meilleur espace disponible sur son balcon, mais les pots étaient limités en diamètre, entravant la croissance et l’hydratation de leurs racines. Soucieuse d’améliorer leur qualité de vie, elle a décidé de leur trouver un nouveau refuge.

Pour leur déplacement, Krame a été transplanté dans un seau orange et Romane dans un pot en plastique vert foncé. Un samedi matin, ma maman m’a confié la mission de les emmener à la campagne et de m’assurer qu’ils soient bien plantés sur la terre agricole de mes ancêtres.

Krame et Romane, nés de graines et promesse d’arbres à venir, ont pris place à l’arrière de la vieille Renault 12 de mon père, prêts à prendre la route en direction d’un village situé en zone rurale, à 20 km de Casablanca. Aujourd’hui, ce village est devenu une petite ville à part entière.

Arrivés à destination, Krame et Romane ont été laissés à leur sort pendant quelques jours, chacun dans son contenant, avant d’être plantés sur la terre agricole.

Je me rappelle très bien, comme si c’était hier. Avec un cousin éloigné, j’ai cherché un emplacement propice au développement des deux arbres. Bien que leur taille soit petite à ce moment-là, j’étais très conscient que l’endroit choisi devait leur permettre de grandir sans se sentir à l’étroit, et sans que l’un n’interfère avec la croissance de l’autre.

Le meilleur emplacement était à l’arrière de la maison de mon oncle. J’ai creusé un trou et planté Romane et Krame. Avant de recouvrir leurs troncs de terre, le cousin m’a suggéré de les guider avec un tuteur pour qu’ils deviennent beaux et forts. J’ai ainsi utilisé un morceau de bois que j’ai enfoncé soigneusement au sol par peur d’endommager les racines. J’ai terminé cette belle activité en arrosant les deux arbres.


À l’époque, mes actions étaient le fruit de l’insouciance propre à la jeunesse, sans que je mesure pleinement les conséquences à long terme de ce que je considérais alors comme une simple activité. Ma grand-mère, que Dieu ait son âme, m’avait transmis l’histoire de ces arbres que j’avais plantés. Elle racontait comment, année après année, ces arbres généreux offraient des fruits délicieux à de nombreuses personnes, suscitant la gratitude des bénéficiaires qui adressaient des prières pour la personne à l’origine de cette verdure.

C’est bien des années plus tard que la pleine signification de ces actes a résonné en moi. Découvrir que quelque chose que j’avais fait plus de 26 ans auparavant avait non seulement persisté dans le temps, mais avait également apporté des bienfaits concrets à autrui, a été une révélation.

Cela va au-delà de la simple croissance d’arbres ; c’est une leçon profonde sur la pérennité de mes actions et sur la façon dont un geste en apparence modeste peut avoir un impact durable. Cette expérience m’a incité à réfléchir sur la responsabilité qui découle de mes actions quotidiennes, même les plus anodines, et sur la possibilité qu’elles laissent un héritage positif pour les générations futures. La fierté que j’ai ressentie à cet égard était teintée d’une compréhension plus profonde de la portée de nos actions sur le monde qui nous entoure.